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17 juin 2009

Dormir d'un sommeil de plomb...

Quoiqu’il en fût, ce soir-là, je m’assis, harassé, à quelques pas du paquet de cadavres aux pantalons bleus [probablement des chasseurs], pour me reposer un peu. Mes pieds traînaient dans la boue glacée ; un baliveau soutenait ma tête, tout près de ma musette que j’avais accrochée à une de ses fourches. J’écoutais le bruit accoutumé de la forêt le soir, alors que, un peu partout, on se prépare à passer la nuit comme on peut, dans les tranchées de part et d’autre. Je me souviens parfaitement de cela. Mais alors, j’ai sombré dans un sommeil de plomb et n’ai repris mes sens qu’au jour le lendemain matin.
Et quelle ne fût pas ma stupéfaction lorsque je me réveillai : les cadavres dont je touchais presque les pieds en m’endormant, avaient disparu.
A leur place, je vis des monticules de terre fraîchement remuée : c’étaient leurs tombes, bien alignées, avec, à la tête de chacune, une fourche et une croix faites avec des branchettes vertes, portant le képi du défunt. On était donc venu, pendant la nuit, enterrer ces pauvres gars, à quelques centimètres de moi, et je n’avais rien entendu ! Les fossoyeurs avaient dû chercher à me parler, m’avaient sans doute secoué ; et je n’avais rien entendu, rien perçu.
Mieux même : je découvris une chose qui me laissa perplexe. Je le suis maintenant encore quand ce souvenir me revient. Le baliveau contre lequel j’avais appuyé ma tête la veille au soir, auquel je me retrouvai adossé le matin, à la fourche duquel pendait toujours ma musette, avait été coupé net, par une balle, juste au-dessus de ma tête. Elle avait dû me frôler, cette balle, à quelques millimètres, pour venir faire, juste au milieu du jeune tronc, une blessure demi-circulaire, comme faite avec une gouge !
Donc, non seulement on avait donné force coups de pioche sous mes oreilles pour faire huit tombes, mais ces travaux avaient certainement attiré les coups de fusil d’en face, et je n’avais rien entendu. Cette balle, qui était passée à quelques millimètres de mon crâne, n’aurait eu qu’à dévier d’un rien et j’aurais été transporté dans l’autre monde sans en avoir eu conscience.
Quel sommeil !

Source : Georges HUBIN - Ma vie - Mes campagnes - Ma guerre  -  Tome V, avec l'autorisation de Michel EL BAZE

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