26 septembre 1914 : Servon - Melzicourt (2)

Suite :

Nous ne tirons plus que sur quelques isolés, blessés ou porteurs d'ordres qui courent derrière la crête vers Servon. De 10 h à 13h15, calme plat.
A 13 h, voilà enfin l'artillerie qui se décide à tirer. Aussitôt, nous voyons une tripotée d'Allemands qui fuient un par un sur la route Melzicourt-Servon, malheureusement pour nous un peu en arrière de la crête. C'est pour nous une véritable chasse au lapin. AUBRY tire au moins 150 cartouches ; il n'y a aucun danger, ils n'ont pas le temps de répondre. Par ce beau soleil, tout le monde s'y amuse. Le défilé homme par homme dure bien 2 heures.
Vers 16 h, nous apercevons enfin des capotes françaises et nous percevons les commandements français. Cependant un " cosaque " continue à tirer. Ces Français croient avoir affaire à des Bosches (sic) et ils tirent sur nous pendant une demi-heure. J'ai beau me montrer à la lisière, leur faire crier " cessez le feu ", ils continuent. Le Commandant JEANNELLE, venu nous voir à ce moment, la trouve mauvaise. Enfin j'ai l'idée de les traiter de tas d'idiots, de marsouins et autres mots minables et j'obtiens enfin la cessation du feu. J'envoie une petite patrouille jusqu'à l'Aisne. Quel n'est pas notre étonnement de voir, à l'appel de la patrouille, sortir de leurs tranchées comme d'une boîte des hommes du 328è qui y sont cachés depuis le matin. Ils ont une frousse intense et n'osent pas rentrer au village.
Mais voici que le soleil commence à se coucher ; enhardis, ces idiots foutent le camp en arrière ; immédiatement, l'artillerie allemande les arrose de ses schrapnels et ces pauvres lièvres de se terrer à nouveau. Nous ne sommes pas fiers d'avoir de tels voisins. Heureusement que tout s'est bien passé. Le jour tombe avec la canonnade et la fusillade. Je relève complètement la 8è. A minuit, nous nous recouchons en chien de fusil avec AUBRY.