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Le blog du 147e RI
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4 juin 2009

La Harazée : tranchées et bain de pied...

Au petit jour, la tranchée élémentaire est terminée, mais personne ne veut entrer dans l’eau. Mais quand le jour parut et que nous fûmes visibles pour les gens d’en face qui commencèrent à nous tirer dessus comme sur des lapins, il fallut bien y chercher un refuge. Et chacun vint, en rouspétant aigrement, dans l’eau glacée, le dos voûté pour être à l’abri du petit talus formé par la terre que nous avions rejetée.
C’était précaire comme position défensive, mais nous avions quand même un petit élément de fortification moderne devant nous. Je trouvai même, en allant reconnaître un peu le terrain entre les Allemands et nous, un de leurs rouleaux de fil galvanisé, lisse, non barbelé, mais que je fis cependant tendre devant nous à hauteur des mollets d’un homme. Il avait juste la longueur du front de ma section, et on le fixa, à trente centimètres du sol, de place en place, en le liant aux arbres. C’était peu de chose, en vérité, mais l’effet moral fût excellent. Dans des cas semblables, il faut si peu de choses pour ne pas sombrer dans le noir absolu.
Le différentes sections n’avaient pas eu le temps d’assurer la continuité des tranchées. Il y avait donc entre elles des espaces libres d’une trentaine de mètres chacun, et on ne pouvait remédier à cette situation, fort dangereuse en cas d’attaque, tant qu’il ferait jour. Il fallait attendre que la nuit vienne et se contenter, jusque là, de faire des voeux pour que les Allemands n’attaquent pas.
Heureusement, ils étaient comme nous, les Fritz d’en face. La bousculade de la veille les avait amenés, eux aussi, là où ils n’avaient aucune tranchée et il leur avait fallu faire comme nous. Pendant la journée, nous entendions fort bien le bruit des cognées sur les arbres dont ils faisaient des abattis pour construire solidement leur défense. C’est qu’ils étaient merveilleusement outillés, les Fritz, et qu’ils avaient toujours à leur disposition de vrais outils de terrassiers et de bûcherons.
Et puis, ils avaient la manière ; tandis que nous, nous ne l’avions pas du tout. Ce travail de taupe nous répugnait franchement. Se battre ? Oui. Marcher, aller, venir, se tamponner, tirer, aller à l’assaut, se cacher, bondir, oui, oui, oui. Tout cela était bien dans notre tempérament. Mais une fois le combat terminé, s’il fallait, au lieu de se reposer, de casser la croûte, de rêver ou de blaguer avec les copains, se mettre à creuser la terre pour s’y enfoncer ensuite, quelle triste corvée ! C’est pas de la guerre, ça ; c’est du terrassement ! Nous sommes des guerriers nous autres, pas des terrassiers !
Et pourtant, il fallut, malgré tout, devenir terrassier et malheureusement avec des outils de plage pour garçonnets en vacances, et parcimonieusement distribués !
Aussi fut-ce avec une grande satisfaction que, le soir de ce même jour, vous vîmes arriver non seulement la soupe, qui était une vilaine ratatouille de riz froid, mais encore toute une équipe de territoriaux avec de vrais outils. A la bonne heure ! Seulement, il fallut, toute la nuit, pendant que les territoriaux creusaient une vraie tranchée, que nous allions nous coucher à dix mètres en avant d’eux et que nous demeurions là, sans bouger. On institua un roulement de sommeil : un homme sur deux dormait pendant deux heures, habillé, harnaché. Ceux qui veillaient tiraient à chaque instant un coup de fusil.

Source : Georges HUBIN - Ma vie - Mes campagnes - Ma guerre  -  Tome V, avec l'autorisation de Michel EL BAZE

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