29 septembre 1914 : Servon - Melzicourt (5)

Des carnets du Capitaine RIGAULT

Quelques balles ont sifflé la nuit à nos oreilles. Mes hommes ont réparé ou fait des tranchées. Vers 8 h, quelques coups de canon assez proches, puis tout s'apaise autour de nous. Il fait frisquet, le soleil est pâle. Les Allemands leur soi-disant manque de munitions, canonnent avec autant d'ardeur que les autres jours. Les voilà, vers 9h30,  qui tapent encore sur mes tranchées de première ligne. Ils ont l'air de les rater, tant mieux ; ils cessent d'ailleurs. Ils tapent sur celles de la 2è section de la 5è [Cie]. Un homme en revient qui avait été enseveli une demi-heure. Nous n'avons joui d'heure plus tranquille. Les hommes me construisent un abri. O miracle, l'artillerie allemande ne tire presque plus et voilà que nous entendons des boulets passer dans l'autre sens : nos 120 tirent. Puis voilà, à 15 h, le 75 qui fait sauter, à l'est de Servon, 2 caissons d'artillerie allemande et qui tire sur les tranchées de ces gens qui devaient être si tranquilles. Malheureusement cette canonnade dure peu. 120 et 75 se taisent. Un superbe " taube " revient de nos lignes et passe au-dessus de nous. Trois Bosches (sic) se montrent sur la ligne Servon - Melzicourt. Je les fait tirer. Un tombe, les deux autres détalent à toutes jambes. Allons-nous être canonnés pour la peine ? Non, la journée et la nuit s'achèvent dans une paix profonde pendant laquelle nous changeons l'emplacement de nos tranchées pour faire, un peu plus en arrière, une ligne de défense mieux comprise et à l'abri des surprises du côté de Melzicourt. Le clair de lune favorise nos travaux, mais le front est de plus en plus sensible.