Soldat Albert BORDERIE

Maryvonne, qui m'a contacté en début d'année, n'a pas de lien familial avec Albert BORDERIE. Elle s'est intéressée à la reconstitution du parcours de ce Soldat de la Grande Guerre par le biais de documents communiqués par la fille d'Albert.

Celui-ci avait couché quelques-uns de ses souvenirs de guerre sur deux pages à l'occasion de la remise de sa Légion d'honneur en 1974. On peut y relever la trace d'un passage au 147è RI et dans un autre régiment, le 416è, mais...

60 ans après les faits, le souvenir humain est parfois fragile : Albert évoque un passage au 416è RI et sa mise sur pied en 1914. Ces régiments de la série 400, dits régiments de marche, seront mis sur pied au printemps 1915. De même qu'il évoque Neuville Saint Vaast (62) comme lieu où il perdit sa jambe ; mais le 147è RI est dans la Marne dans le secteur du Godat. Le nom d'Albert figure bien sur la liste des blessés du 147è à la date du 22 avril 1917.

J'ai donc un peu guidé Maryvonne en lui conseillant de consulter la fiche matricule d'Albert conservée aux archives de Dordogne.

En remerciement des quelques conseils, Maryvonne a relevé une fiche matricule qui m'a permis de reconstituer le parcours d'un autre combattant de la Grande Guerre, Georges BROU, pupille de l'Assistance publique mort pour la France, évoqué sur un autre blog.

Revenons à la fiche matricule d'Albert BORDERIE.

Elle nous apprend qu'il était de la classe 1915 (né en 1895 à Lembras, Dordogne) et qu'il était cultivateur.

Déclaré bon pour le service, il accomplit celui-ci au 80è RI à compter du 17 décembre 1914, et part pour le front quelques mois plus tard le 1er mai 1915.

Le 28 septembre 1915, il est blessé par balle au dos dans le secteur de la Main de Massiges (51). Il est évacué et hospitalisé à l'hôpital bénévole n°5 bis à Lyon du 30 septembre au 9 novembre 1915. Il retourne au front le 17 novembre 1915.

Il passe au 147è RI à compter du 4 mai 1916.

Blessé par un éclat d'obus le 22 avril 1917, il est cité quelques jours plus tard (le 24 avril 1917) et reçoit la Médaille militaire et la Croix de guerre avec palme :

Bon et brave soldat blessé grièvement pour la seconde fois le 22 avril 1917 à son poste de combat. Amputé de la cuisse droite.

Laissons la parole à Albert :

[...] Étant à cinq en poste avancé, nous reçumes un obus de plein fouet qui tua mes quatre camarades et je me retrouvais avec ma jambe coupée net. Je n'eus que le temps de me faire un garot avec ma cravate et je tombais dans le coma.

Quand je suis revenu à moi 48 heures après, j'ai vu accroché à mon lit la Médaille militaire et la Croix de guerre.

Ancedote amusante : quand les brancardiers m'ont emporté, ma jambe en moins, mon bras pendait hors du brancard, et là, une balle m'a encore traversé le bras, heureusement sans faire trop de dégâts.

C'était en 1917, pour moi la guerre était finie. Elle m'a pris ma jambe et deux autres blessures, sans compter la bronchite chronique que je traîne depuis. Je n'avais que 22 ans mais combien de camarades sont restés sur le champ de bataille, agonisants dans les barbelés ou enterrés vivants, et d'autres tuberculeux ou infirmes. (je peux dire que j'ai eu de la chance).

Sa fille aujourd'hui âgée de 95 ans a bien voulu que soit évoqué son père sur le blog du 147è RI. Elle a également autorisé la publication d'une photographie le représentant après sa première blessure à l'automne 1915

Je lui adresse par l'intermédaire de Maryvonne tous mes remerciements. J'espère qu'elle pourra prendre connaissance de cette publication.

Albert BORDERIE reçut la Légion d'honneur en 1974 : il était âgé de 79 ans.