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Le blog du 147e RI
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26 octobre 2008

Octobre 1914 : l'Argonne

[A partir d'octobre 1914, suite à la défaite des troupes du Kronprinz près de La Harazée, les Allemands occupent les lignes de Binarville à Montfaucon.]

Chaque jour, les mêmes noms revenaient dans les communiqués des états-majors : le bois de la Grurie, le Four de Paris, la Chalade, Saint Hubert, Bagatelle, Marie-Thérèse, Fontaine Madame, Courtechausse, Fontaine aux Charmes, le bois Bolante, Vauquois, Boureilles, la tranchée de Calonne, les Eparges. Il convient donc de décrire cette région de l'Argonne et des Côtes de Meuse, où s'étaient déjà livrées et allaient se livrer de si violentes actions, et où la nature et les formes du terrain devaient contraindre les deux adversaires à des modes de combats très modernes et à la fois très archaïques.

L'Argonne, c'est un petit massif forestier enserré entre l'Aisne et son affluent l'Aire, long de plus de 60 km, large de 12, et qui, pendant des siècles, servit de frontière entre la Champagne et la Lorraine. Il n'est pas très élevé, ne dépassant jamais 300 m dans la partie sud, et il s'abaisse avec régularité vers le nord et l'ouest, tandis qu'il domine par un talus échancré en promontoires boisés la rive gauche de l'Aire. Mais à cause de la nature du sol (une sorte de calcaire argileux appelé 'gaize' ou 'pierre morte'), il forme un inextricable enchevêtrement de crêtes aiguës et de plateaux recouverts d'une végétation assez maigre - chênes rabougris, bouleaux blancs, sorbiers, conifères, fougères - séparés par de vrais gouffres. Cela compose une solitude de taillis, de futaies, et d'étangs sombres et dormants.[...]
Telle est l'Argonne, presque semblable en 1914 à ce qu'elle était en 1792, et destinée à jouer une seconde fois le rôle de "Thermopyles de France".

Argonne

Les corps allemands occupaient une ligne qui, partant de Vauquois, passait près de Boureuilles, puis atteignant la route de la "Haute-Chevauchée", descendait jusqu'au ravin de la Fille-Morte, extrémité orientale du bois Bolante, pour remonter vers le nord et traverser le bois de la Grurie, en contournant les pavillons de chasse Saint Hubert et Bagatelle, les sources de la Fontaine-aux-Charmes et de la Fontaine-Madame. Et cette ligne - point de départ de l'offensive ou limite défensive - avait été très solidement organisée. Malgré le grand nombre de ravins et vallées étroites aux berges escarpées et aux pentes raides, une série de tranchées profondément creusées et protégées par des gabions ou des sacs à terre suivait la zone limitée à travers toute la forêt. Un système de boyaux nombreux et vastes permettait le facile ravitaillement en vivres et en munitions des divers unités combattantes.
Les troupes françaises, plus mal préparées que leurs adversaires, venaient en Argonne, comme sur l'ensemble du front, de s'adapter avec une rapide ingéniosité à la situation nouvelle. Elles avaient sur l'ennemi une supériorité locale : l'Argonne ne pouvait être pour elles un secteur d'offensive. Ce n'est pas du côté de Grandpré que les Français comptaient et souhaitaient percer le front allemand. Leurs vues étaient plus modestes : protéger la ligne de chemin de fer Châlons-Verdun et par une active défensive immobiliser devant eux autant d'Allemands qu'ils pourraient, rien de plus.
Aussi, à la fin de la bataille de la Marne, au lieu de chercher, par quelque effort désespéré, à pousser leur adversaire loin des forêts de l'Argonne, avaient-ils préféré établir leur ligne de défense à la lisière des bois, au milieu de la brousse impénétrable. Aux tranchées allemandes, ils avaient opposé d'autres tranchées établies souvent à moins de 50 m de celles-là, pendant que plus à l'arrière ils improvisaient des abris destinés au logement des réserves, "hameaux de paillotes, cabanes de pieux et de madriers solidement enfoncés dans la terre, recouvertes de claies de branches et de joncs tressés avec des toits inclinés pour l'écoulement des pluies" (E. HENRIOT - Le Temps du 10 décembre 1914).

Camp_Argonne

La défense du front de l'Argonne avait été confiée au 2è Corps d'armée du Général GERARD.
Les Allemands ne tardèrent pas à attaquer ces positions.
[Les attaques] avaient été judicieusement adaptées à une situation spéciale. Assaillir des tranchées situées à 50 m des siennes et pourtant invisibles par suite de l'épaisseur du taillis nécessitait une méthode d'attaque originale.
Que faire ? C'est le Général VON MUDRA, commandant du 16è corps de Metz, qui innova ou plutôt retrouva, semble-t-il, la tactique que les adversaires allaient bientôt adapter. Sapeur, VON MUDRA comprit que seule une guerre de sape et de mine, faite avec méthode et ténacité, pouvait, dans les brousses inextricables de l'Argonne, donner de bons résultats.

mudra

[...] Il fit appeler de Metz les bataillons de pionniers qui se trouvaient concentrés dans la grande forteresse, et, le 31 octobre 1914, il commença la série d'attaques qui, inlassablement, devaient se poursuivre avec les mêmes caractères durant toute l'année 1915.
[...] Établir patiemment une série de de galeries permettant de placer des fourneaux chargés d'explosifs sous les défenses ennemies, veiller à ce que l'adversaire n'entravât pas le travail et pour cela disposer des postes d'écoute aux points dangereux, puis à l'heure décidée, mettre, par un fil électrique, le feu aux fourneaux et, aussitôt l'explosion produite, donner le signal de l'assaut, telles furent les instructions de VON MUDRA aux troupes sous ses ordres.
En outre, pour mieux préparer l'attaque, le commandant du 16è corps fit entreprendre un bombardement méthodique des tranchées françaises par des engins spéciaux : les minenwerfer.

Minenwerfer

C'étaient de très courts obusiers qui lançaient des projectiles contenant une forte charge d'explosifs et capables de bouleverser tous les ouvrages de défense. Mais les tranchées étaient trop rapprochées pour qu'il n'utilisât point des projectiles lancés à la main : grenades constituées par un cylindre en fonte bourré d'explosifs, pétards divers, amorcés à l'aide d'un détonateur, tous susceptibles d'être projetés à 20 ou 30 m. Le général allemand ne les oublia pas, et, le 31 octobre, il déclencha son attaque.
Après un bombardement copieux et incessant des tranchées françaises par les minenwerfer, les bombes, les grenades, au bruit de l'explosion des fourneaux de mine, les fantassins wurtemburgeois s'élancèrent à l'assaut. La plupart, délaissant leurs fusils, ne portaient qu'une musette remplie de grenades qu'ils jetaient sur les Français.
Nos soldats furent surpris par des procédés auxquels ils n'étaient pas préparés à répondre. Aussi évacuèrent-ils presque tout le bois de la Grurie, cédant même un instant le noeud de routes si important du Four de Paris. Mais, le 3 novembre, ils le reprirent et, par des contre-attaques acharnées, rentrèrent dans le bois jusqu'à Fontaine-Madame. Le succès de VON MUDRA avait été de bien courte durée.
Désireux de ne plus se faire surprendre, l'état-major français renforça les détachements de sapeurs du génie mis à la disposition de la 3è armée, et il fit sortir des arsenaux et des musées tous les vieux engins de tranchées dont l'expérience avait démontré l'utilité. Et successivement apparurent, dans nos lignes, des arbalètes dites 'sauterelle', lançant des grenades jusqu'à 80 m, des mortiers de 150 mm du temps de Louis-Philippe, des crapouillots aux bombes de 15 kg, des canons de 58 mm projetant des sortes de torpilles munies d'ailettes particulièrement meurtrières. En même temps dans chaque compagnie, un certain nombre d'hommes furent spécialisés dans le jet de grenades différentes de celles des Allemands qui étaient fixées au bras par un bracelet.

Crapouillot    Revolver_lance_bombes

source : la France héroïques et ses alliés - Tome 1

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