La plaine de la Woëvre
[...] Et alors, en pleine vue des Allemands qui ne pouvaient pas ne pas nous voir serpenter sur la colline, nous descendîmes tranquillement au gros village d'Haudiomont, en bas, dans la plaine de Woëvre. Nous y entrâmes musique en tête et drapeau déployé. Le haut commandement devait avoir des raisons particulières pour faire tant de mise en scène à la vue et à l'oreille des Fritz, car, partout ailleurs, au contraire, on prenait les précautions les plus infimes pour passer inaperçus, très loin et longtemps à l'avance.
Deux jours d'attente encore dans ce gros bourg, puis, sac au dos, pour un autre bourg, complètement saccagé celui-là, Ville en Woëvre. on nous fit faire maints détours pour y arriver, puis une fois repartis dans les ruines, interdiction absolue de sortir en dehors des couverts. Nous étions non seulement en vue directe de l'ennemi, mais encore sous le feu de ses batteries qui étaient constamment à l'affût du moindre mouvement décelant un rassemblement de troupes.
Malgré les prescriptions, il y eut des fraudes; c'était inévitable. On ne peut pas tenir deux mille hommes enfermés dans des ruines complètes. Alors, nous eûmes des dégelées régulières de gros obus dont les éclatements augmentaient encore les ruines en y faisant quelques victimes de plus. [...]
Source : Georges HUBIN - Ma vie - Mes campagnes - Ma guerre - Tome V, avec l'autorisation de Michel EL BAZE