Un énergumène me réclame...
[...] Un soir, j'étais dans ma chambre quand le Lieutenant LÉVÊQUE, que j'avais connu à Sedan comme Sergent major trésorier au bureau du Capitaine RICARD, vint frapper à ma porte.
- Vous êtes là Ricadat ?
- Oui, mon lieutenant, entrez.
- Voulez-vous venir un instant, il y a un énergumène qui vous réclame.
- Comment s'appelle-t-il ?
Il me dit son nom, inconnu de moi.
- Je ne le connais pas. Que me veut-il ?
- C'est un puni de la salle de police qui refuse de descendre aux locaux disciplinaires. Il a mis baïonnette au canon et menace d'enfiler le premier qui approche. [...]
- Il n'y en a qu'un que me descendra en taule, le Caporal RICADAT.[...]
J'entre dans cette chambrée voisine et m'avance vers lui. Il est dans la position " en garde " de l'escrime à la baïonnette. J'avance jusqu'à ce que ma poitrine touche la pointe de son arme.
- Eh bien, tu m'as demandé ?
- Oui
- Pourquoi, alors, ta baïonnette sur moi ? Abaisse-la immédiatement.
Il s'exécute.
- Remets baïonnette au fourreau.
Il hésite et finalement rengaine son arme. J'avance vers lui et lui mettant mes mains sur les épaules, je le regarde dans les yeux.
- Pourquoi m'as-tu demandé ?
- Parce que toi, t'es pas une vache. Les autres c'est des vaches.
- Pourquoi cette comédie, puisque tu sais bien qu'il faudra toujours que tu capitules ?
- Parce que eux, il m'emmerdent
- Puis-je avoir confiance en toi ?
- Pourquoi pas
- Me promets-tu qu'une fois en bas tu n'en profiteras pas pour faire des conneries et chercher à te débiner ?
- Oui
- C'est promis ?
- C'est juré.
Je lui serre la main.
- Entendu, je compte sur toi. Prends ta paillasse et suis-moi.
Source Petits récits d'un grand drame - Paul RICADAT, avec l'aimable autorisation de son fils