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Le blog du 147e RI
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19 septembre 2010

Au petit matin dans une clairière...

Il y a 96 ans aujourd'hui, à 5h30, le Soldat Michel D... fut fusillé pour l'exemple.
Son cas déjà évoqué ici, est également rapporté par Paul RICADAT dans ses souvenirs.

Paul RICADAT se trompe de quelques jours pour lui l'exécution a lieu le 24 septembre 1914 au lieu du 19 septembre 1914.

[...] Le verdict du Conseil de guerre bouleversa tout le monde. Et surtout lorsqu'en ce matin [...] le régiment se rassembla dans une clairière pour l'exécution. Comment allait être désigné le peloton ? Chaque chef de section se récusa, fournissant toutes sortes d'arguments. D..., en caserne, à Sedan, faisait partie de mon escouade.[...]

Devant toutes les dérobades, il fut décidé que ce seraient ses compagnons d'escouade de Sedan qui constituerait le peloton.

Mon émotion fut grande. Me faudrait-il accomplir cette tâche que je redoutais tant ? J'interrogeais ma conscience. Que ferais-je dans ce cas ? Tirer en l'air ou viser au coeur ? Débat que je n'arrivais pas à conclure. Pourtant, à la réflexion, je me fis une opinion.

Rien ne pouvait plus sauver cet infortuné. S'il n'était pas tué sur le coup, il serait achevé par le coup de grâce et il s'en rendrait compte, ce qui augmenterait ses souffrances physiques et morales. Par souci d'humanité, il fallait viser au coeur. J'en étais là de mon débat quand on désigna les hommes. Il ne fallait que des simples soldats et j'étais un tout petit peu gradé. Je fus éliminé. Quel soulagement pour moi.

Devant le régiment rassemblé, D... fut amené par un piquet baïonnette au canon. On lui banda les yeux. Moment atroce dont le souvenir n'a jamais pu s'effacer de la mémoire de ceux qui y assistèrent. Le malheureux criait, suppliait :

- Pardon, pardon, je ne veux pas mourir !

Un commandement. Le peloton met en joue.

- Feu !

C'en est fait, D... est tombé foudroyé. Le coup de grâce lui est donné par un sergent et à tour de rôle les compagnies défilent devant le corps. Rares sont ceux qui peuvent retenir une larme, l'émotion de tous est à son comble.

Évidemment, son abandon de poste nous a coûté 7 morts, il fallait un exemple. Mais, quand même ! Son crime : la peur. Chacun de nous aurait pu en faire autant. Moi, avant-hier, ma peur en entrant le premier dans le Bois de la Gruerie aurait pu aussi bien, m'amener là. Ceux qui n'ont jamais connu en leur âme ce duel entre le devoir et la peur ne peuvent pas comprendre. Nous qui savons, à D... qui a expié, nous avons pardonné. Après tout, qui sait ? Le Soldat Inconnu c'est peut-être lui.

Source Petits récits d'un grand drame - Paul RICADAT, avec l'aimable autorisation de son fils

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