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Le blog du 147e RI
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24 juin 2009

26 décembre 1914 : relève

Le 26 Décembre, tard dans la soirée, eut lieu la relève, relève réelle cette fois. Nous sortons vraiment du bois par la route de Varennes, le Four de Paris, La Harazée; nous montons le raidillon de La Placardelle, et, tard dans la nuit, nous entrons à Saint-Clément où, finis, vannés, nous nous laissons tomber sur la paille des granges qu'on nous avait désignées : 17 jours consécutifs de tranchées, avec tous ces avatars avachissants et dangereux.
J'étais bien parvenu à suivre la colonne jusqu'à ce cantonnement; mais, le lendemain, lorsqu'il fallut se lever, une terrible douleur aux pieds m'en empêcha. J'avais les pieds gelés. Je demandai à un camarade de me retirer mes souliers, ce que j'étais incapable de faire moi-même, et j'en sortis mes pauvres pieds tuméfiés sur lesquels je pouvais à peine me poser. Je me fis inscrire pour la visite médicale, mais, en attendant, j'agis consciencieusement suivant les prescriptions requises en pareil cas : je frottai, avec du suif, mes membres endoloris !
Cette médication était le remède conseillé par notre divin médecin-major de première classe - quatre galons, s'il vous plaît - qui, en désigné abruti militaire, était outré du nombre de pieds gelés qu'on venait lui présenter. Il décréta que les gens le faisaient exprès, pour se faire évacuer ! En conséquence, il avait également décrété que la gelure des pieds se prévenait très bien et se guérissait encore mieux par un graissage superficiel avec du suif. Donc, tout homme gelé qui se présentait à lui sans présenter de traces de graissage était :

  1. engueulé de première façon ;
  2. reconnu comme non malade ;
  3. puni de prison ;
  4. renvoyé ensuite immédiatement en tranchées.

Voilà comment on se battait contre les morsures de l'hiver au 147e de ligne !
Comme il était impossible de faire entendre raison à ce phénomène, je m'enduis donc copieusement les pieds de graisse avant de me présenter devant lui. Lorsqu'il m'examina, il commença par s'assurer du graissage, et il parut contrarié que la gelure ait pu quand même se produire. Il voulut bien admettre un début de gelure, mais considéra que je pouvais et devais malgré cela retourner aux tranchées en continuant les soins à l'aide du suif !

Source : Georges HUBIN - Ma vie - Mes campagnes - Ma guerre  -  Tome V, avec l'autorisation de Michel EL BAZE

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