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31 mai 2009

La Harazée - novembre 1914

Nous partîmes de Saint-Clément vers quatre heures du soir et passâmes par un hameau entièrement délabré, La Placardelle, dont les occupants vivaient exclusivement sous terre. Le village étant sous le feu des canons lourds allemands, tous les jours, dans la soirée, il recevait une ration de gros obus noirs et terrifiants pendant deux heures de temps environ. Ces obus cherchaient - et trouvaient souvent - les relèves qui passaient par là pour se rendre au lieu central d’approche du bois de la Gruerie : La Harazée.
Ce soir-là, nous eûmes notre dégelée habituelle, mais elle ne fit de mal à aucun de nous. Nous descendîmes en pleine nuit neigeuse dans le vallon encaissé au fond duquel coule le ruisseau La Vienne, qui prend sa source par là. C’est dans le fond de ce vallon, de l’autre côté du ruisseau et du pré qu’il traverse, que se trouve La Harazée.
Il y avait là un groupe de quelques maisons rustiques autour d’un pavillon vaste et de style un peu recherché qui devait servir, en temps de paix, comme lieu de rendez-vous aux sociétés de chasse de la forêt d’Argonne. Les autres bâtiments étaient destinés au garde permanent, aux piqueurs, aux chevaux, aux chiens. Immédiatement derrière, la forêt commençait en une montée rapide. Sur la droite, à environ cinq cents mètres, se trouvait le hameau appelé Four de Paris, à cheval sur la seule route qui traverse le massif d'Argonne pour aller à Varennes. Nous avions donc suivi, jusque là, la route même que prit Louis XVI dans sa tentative de fuite. A partir du Four de Paris, cette route entre en pleine forêt et suit les creux de nombreux ravins de ce massif montagneux et débouche, 15 km plus loin, dans la plaine qui entoure Varennes.
Nous arrêtant à la Harazée, nous prîmes la position de réserve dans des trous creusés, à la manière des troglodytes, dans le flanc de la colline, face au pré, face donc à la Placardelle, c’est-à-dire le dos tourné à l’ennemi. Ainsi postés, nous étions parfaitement à l’abri des bombardements que, à des heures diverses, les Allemands lâchaient sur le pré et sur la route que nous venions de suivre, pour chercher à entraver le trafic constant qui s’y faisait.
Une autre route bifurquait à la Harazée et conduisait à deux localités situés dans le creux de la prairie qui s’étalait devant nous : Vienne-le-château et Vienne-la-ville, abritée par un fort éperon rocheux. L’artillerie ennemie visait aussi cette route; et si les localités elles-mêmes n’eurent jamais aucun mal, la route pour y aller était dans un état épouvantable. Rien que des trous de marmites. Je ne sais vraiment pas comment les conducteurs d’autos faisaient pour passer là. Et pourtant, il en passait des centaines tous les jours. Il y avait certainement un Dieu pour les conducteurs  !
Nous sommes restés là, dans nos grottes artificielles, pendant deux jours, et nous sentions trembler la forêt, le sol, sous les nombreux coups sourds de l’artillerie allemande pourtant encore lointaine. Nous, nous n’avions par d’artillerie par là, sauf des 75 qui devait parer à une éventuelle attaque allemande débouchant dans le vallon. Autrement, elle ne tirait jamais, de sorte que nos emplacements n’étaient pas repérés par l’adversaire; et puis, qu’aurait-elle fait, cette artillerie, excellente en terrain découvert, dans le couvert d’une forêt aussi dense que celle d’Argonne  ? Là-dedans, on ne pouvait se battre qu’à la grenade, au fusil et à la baïonnette.

Source : Georges HUBIN - Ma vie - Mes campagnes - Ma guerre  -  Tome V, avec l'autorisation de Michel EL BAZE

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