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22 septembre 2008

Georges HUBIN : 23 au 25 août 1914 - Retraite...

A minuit: rumeur.
Sac au dos, rompez les faisceaux.
En route !
Quelle direction ? Hélas, vers l'Ouest, vers la France, donc on recule. Et pourtant nous avons avancé, aujourd'hui ! Nous ne savons rien de ce qui s'est passé à nos côtés. Nous l'apprendrons plus tard:
A notre gauche, le Corps colonial a été enfoncé à Rossignol.
A notre droite, le 4e Corps et les autres à la suite ont été enfoncés aussi.
A Maubeuge, c'est le désastre.
A Longwy-Longuyon, la Woëvre, c'est aussi la défaite, le recul, l'écrasement ! Nous ne pouvions donc demeurer en pointe dans les lignes allemandes qui allaient s'avancer des deux côtés et nous encercler. Il nous fallait prendre l'alignement général de nos armées en retraite. Ça commençait bien mal.
Après avoir traversé une partie du village de Bellefontaine, nous avons pris franchement la direction de la France, mais sans aller bien loin. Deux heures plus tard, en pleine nuit encore et en pleine forêt, nous nous arrêtions pour nous reposer. On peut former les faisceaux, se déséquiper et défaire les sacs. Vers cinq heures même, au petit jour, voici les voitures de distribution qui arrivent: pain, viande, sucre, café, riz, etc…Malgré la torpeur qui a envahi tout le monde, quelques dévoués vont chercher ces vivres. On s'apprête à en tirer parti; mais non. Ordre de refaire les sacs en vitesse, de s'équiper, de rompre les faisceaux, de reprendre la piste. Beaucoup de jeunes gens ne prirent même pas leur pain. Les caporaux emportèrent le café et le sucre; la viande fut laissée sur place, le riz aussi. On s'en foutait. Les officiers eux-mêmes s'en foutaient.
Trop de fatigues et de déception d'un seul coup.
On sortit du bois, les gens titubant de sommeil, et on s'engagea dans des chemins parfaitement inconnus. On alla par ci, puis par là; on fit volte-face. On fut poursuivi par un avion allemand, un "taube", qui, nous ayant signalés à son artillerie, nous fit envoyer un dégelée d'obus fusant qui ne touchèrent personne.

taube

Avec tout cela, quatre heures de l'après-midi sonnèrent, là où il y avait encore des sonneries, et nous nous arrêtâmes une nouvelle fois dans un autre bois. Les forêts jouent vraiment dans les guerres un rôle extrêmement important ! Les armées s'y cachent toutes; on se demande encore comment elles font pour se rencontrer quelque part ! Cette fois, le ravitaillement était en place avant nous. On put enfin faire du café chaud et un peu de tambouille. Mais cette dernière en est restée à l'état d'essai: Il a fallu tout jeter avant cuisson: on repartait.
Pendant quatre jours, nous avons ainsi tourniqué, sans arrêt et sans raison apparente, dans un faible rayon allant de Margut à Montmédy, mais toujours sur le territoire belge. Buré d'Orval nous vit; le signal de Saint- Valfron aussi, et à peu près tous les villages de ces parages-là. Pendant ces quatre jours, on ne réussit à faire cuire entièrement que deux repas. C'était maigre, très maigre ! Les hommes étaient épuisés de ces marches et contremarches qui leur semblaient parfaitement inutiles, puisqu'on ne voyait rien qu'on entendait rien, qu'on ne faisait rien que se fatiguer et se lamenter, sans nouvelle de nulle part.

Source : Georges HUBIN - Ma vie - Mes campagnes - Ma guerre  -  Tome V, avec l'autorisation de Michel EL BAZE

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